Chaque année, 1.400 patients subissent une intervention chirurgicale pour se faire retirer une tumeur cérébrale, une procédure souvent très délicate qui nécessite une préparation minutieuse. L'utilisation de la réalité augmentée (RA) rend la planification de l'ablation de ce type de tumeurs plus rapide et plus intuitive, en comparaison avec les systèmes conventionnelsi. C'est ce qui ressort de l'étude pilote clinique prospective menée par le Dr Frederick Van Gestel et le Pr Johnny Duerinck (UZ Brussels), récemment publiée dans Frontiers in Neurology.
Avant de débuter l'ablation d'une tumeur cérébrale, le chirurgien dessine généralement ses contours sur la peau du patient, afin de limiter au maximum la surface d'ouverture du crâne. Pour ce faire, l'approche actuelle utilise un système dit de "neuronavigation", permettant au chirurgien d'être guidé face à l'anatomie du patient, à partir d'images basées sur une IRM préopératoire.
"Le problème d'un tel système est qu'il se base principalement sur des images en deux dimensions. Pour localiser la tumeur, le chirurgien doit dès lors transférer des informations affichées sur un écran à la réalité en 3D", explique le neurochirurgien Johnny Duerinck. Des erreurs d'interprétation restent dès lors possibles, surtout lorsque la tumeur est située en profondeur.
« C'est précisément là que nous avons vu le potentiel de la réalité augmentée », explique le Dr Frederick Van Gestel, neurochirurgien en formation. « Beaucoup de gens connaissent la réalité virtuelle (RV), mais la réalité augmentée (RA) ne leur dit pas de suite quelque chose. Pourtant, presque tout le monde l'a déjà vue sous une forme ou une autre : il suffit de penser aux filtres instantanés sur les médias sociaux ou au jeu Pokémon Go. Contrairement au monde entièrement virtuel de la RV, la RA permet d’encore voir le monde réel autour de soi. Il en va de même pour le patient, ce qui n'est évidemment pas sans importance lorsqu'il s'agit de chirurgie. Par-dessus le patient, une couche d'informations virtuelles est ensuite projetée, comme le cerveau contenant une tumeur cérébrale, ce qui nous permet de regarder à l'intérieur de la tête du patient, une sorte de vision aux rayons X en quelque sorte ».
La RA permet ainsi d'affiner la planification de l'ablation des tumeurs cérébrales. Cette technologie permet, à l'aide de lunettes spécifiques, d'additionner des images digitales à la réalité. Elle donne ainsi au chirurgien un aperçu tridimensionnel de la position de la tumeur et de ses structures environnantes, tels que des vaisseaux sanguins, ce qui rend l'intervention plus intuitive, et donc plus efficace.
Et le Pr Johnny Duerinck, neurochirurgien, d’expliquer: « Nous avons développé notre propre module de navigation chirurgicale pour la RA sur le Microsoft HoloLens II, qui utilise la caméra infrarouge intégrée pour le suivi visuel du patient et des instruments chirurgicaux, une sorte de version compacte des systèmes de navigation actuels. Avant d'en parler au patient, nous voulions d'abord confirmer la précision de notre système de RA en le comparant à un système conventionnel. Pour ce faire, nous avons mené une étude sur une tête fantôme, où nous avons pu évaluer la précision du processus d'enregistrement. Nous avons ensuite évalué notre méthode de navigation RA dans le cadre d'une étude pilote prospective qui portait sur 20 patients ».
Lors de la première expérience sur la tête fantôme, la comparaison directe entre la navigation RA et la neuronavigation conventionnelle a montré qu'il n'y avait pas de différence significative en termes de précision du processus d'enregistrement (les erreurs d'enregistrement des deux systèmes sont restées inférieures à 2,0 mm et 2,0°). En d'autres termes, le système de RA a pu faire le lien entre d’une part, l'anatomie et la position du patient et d’autre part, l'imagerie préopératoire avec autant de précision que les systèmes conventionnels, ce qui est essentiel au bon fonctionnement de la navigation. Compte tenu de ces bons résultats, il a été décidé de passer au stade clinique.
L'étude clinique a démontré que la RA permettait un gain de temps global de 39% en moyenne, ainsi qu'une délimitation beaucoup plus précise des contours de la tumeur. Dans 95% des cas, la délimitation à l'aide de la RA a été considérée comme aussi bonne (30%), voire meilleure (65%) que la planification basée sur la pratique conventionnelle.
Entre-temps, le groupe de recherche continue à développer des méthodes d'enregistrement des patients plus efficaces et plus rapides, ainsi que des applications pour l'utilisation de la RA pendant la chirurgie elle-même, tant pour l'ablation de tumeurs cérébrales que pour la chirurgie de la colonne vertébrale et de la hanche.